Après avoir vu que la France pouvait développer nombre d’initiatives en matière de projet d’échange et de collaboration entre administrations, nous avons décidé d’élargir l’horizon et de sonder les pratiques de nos voisins. Ces initiatives se multiplient-elles ? Existe-t-il des expériences vraiment inspirantes à l’étranger ? C’est ce que nous vous proposons de découvrir à travers cette partie.
NovaGob : le réseau social hispanophone de l’innovation publique
La première expérience étrangère que nous souhaitons vous partager est latine. Il s’agit de la plateforme NovaGob. L’initiative a pris corps fin 2012, lorsqu’une équipe d’universitaires a détecté qu’il y avait un réel besoin d’interconnexion entre professionnels du secteur public. La plateforme lancée fin 2013 se présente comme « le réseau social de l’administration publique espagnole ». Selon le site, il s’agit de la plus grande communauté en ligne tournée vers l’administration du monde hispanique. L’objectif de cette plateforme est clair. Il s’agit d’inclure toutes les personnes travaillant en lien avec l’écosystème public : fonctionnaires, professionnels du secteur privé, prestataires et universitaires, c’est à dire tout public ayant un intérêt à se connecter entre pairs pour collaborer autour de projets, partager savoirs et bonnes pratiques et développer leurs compétences.
Si l’on se focalise plus en détail sur le fonctionnement de ce réseau social, il s’articule autour de 5 fonctionnalités piliers : un espace blog, des espaces collaboratifs sectoriels, un espace de partage événements, un forum de débats et un « WikiGob » qui permet à la communauté d’éditer et de co-produire à distance des documents de manière collaborative.
Selon ses fondateurs, après une année d’activité, la plateforme NovaGob s’approcherait des 4000 membres enregistrés qui auraient contribués à près de 1300 débats, 1850 articles de blog, près de 330 événements partagés à travers plus de 130 groupes de travail actifs sur la plateforme.
Aujourd’hui, la communauté souhaite poursuivre son développement notamment au Mexique et au Pérou avec un modèle économique basé sur des partenariats et du sponsoring par les entreprises.
GovLoop : le réseau global de connaissances et de ressources des administrations Etats-uniennes.
La seconde expérience étrangère que nous souhaitons vous présenter est sans contestation la plus réussie des initiatives de réseau social professionnel entre fonctionnaires. Il s’agit de la plateforme GovLoop. Née en 2008 à l’initiative de Steve Ressler, un jeune fonctionnaire d’une administration centrale de Washington, GovLoop a vite amorcé sa croissance pour annoncer aujourd’hui regrouper une masse critique de près de 150 000 utilisateurs en son sein soit plus de 1 % des 8 millions de fonctionnaires locaux ou fédéraux américains. Selon le site lui-même « La mission de GovLoop est simple : connecter l’administration pour améliorer l’administration ». Aussi, Steve Ressler a-t-il pris le pari de positionner GovLoop comme passeurs des savoirs entre les générations de fonctionnaires américains qui vont partir à la retraite et les nouveaux arrivants, une vraie problématique aux Etats-Unis. Le réseau social a donc fait des jeunes fonctionnaires issus de la génération X/Y sa principale cible.
Pour fournir des contenus de qualité à ses utilisateurs (infographies, guides, formations à distance), la plateforme a passé des partenariats avec de grandes entreprises comme ESRI, HP, Microsoft et IBM. Par ailleurs, toujours selon le site, GovLoop « contractualise directement avec les agences gouvernementales américaines afin de transformer l’expérience de la formation à distance de leurs agents ».
Concernant les fonctionnalités, la plateforme propose de manière assez intuitive des formations à distance, des contenus experts et à haute valeur ajoutée, des communautés professionnelles d’échange et des événements professionnels. On y retrouve aussi des offres d’emplois et conseils RH. A noter que les sujets abordés sont plutôt peu nombreux (technologie, ressources humaines, Communication…) faisant écho aux compétences souvent resserrées des administrations publiques américaines. (Voir l’article « Le pari gagné de Govloop : rendre le service public branché » par Farid Gueham).
Un outil international de collaboration entre entités publiques : l’Observatoire de l’innovation dans le secteur public (OPSI) de l’OCDE.
Enfin, nous achevons ce panorama par une initiative collaborative singulière portée par une organisation internationale. En effet, l’OCDE a mis en œuvre un Observatoire sur l’innovation dans le secteur public (OPSI). Il a été co-construit avec les 21 pays de l’organisation au sein d’une force opérationnelle co-présidée par la France, à travers le SGMAP, et le Canada. Selon le site de l’institution internationale, cet observatoire « recueille et analyse des exemples et des expériences partagées d’innovations mises en œuvre dans le secteur public afin de pouvoir fournir aux pays des recommandations pratiques expliquant comment rendre ces innovations efficaces». Trois axes définissent l’action de l’observatoire : stimuler l’innovation, promouvoir les meilleures expériences et connecter les acteurs. Pour se faire, une plateforme en ligne a été déployée pour « mettre les innovateurs en contact […] et collaborer pour développer les innovations».
La plateforme propose des espaces collaboratifs projet, un blog alimenté par les utilisateurs, un forum de discussion, un blog permettant de mettre en avant les meilleurs pratiques et enfin un espace destiné à soumettre les innovations de la part d’administrations.
Si l’initiative est récente et dans l’ère du temps, une rapide navigation sur la plateforme permet rapidement de se rendre compte que la quantité de contenus n’est pas encore très importante et qu’elle manque d’un relatif dynamisme. Néanmoins, il sera intéressant de suivre l’évolution de cette première initiative de collaboration inter-administration au niveau international.
Conclusion
A l’exception notable du site américain GovLoop, le volume d’échanges et le succès des initiatives de mise en réseau des fonctionnaires reste globalement limité. Que ce soit en France ou à l’étranger, il ne semble pas y avoir de passage à l’échelle qui impliquerait qu’une part conséquente des agents publics se mette à collaborer massivement à l’extérieur de leurs administrations.
Plusieurs hypothèses peuvent expliquer cela :
- Tout d’abord, il est souvent plus facile pour des agents publics soumis à un devoir de réserve de prendre la parole de manière personnelle sur des réseaux professionnels généralistes comme LinkedIn ou Viadéo qu’au nom de leurs collectivités.
- Ensuite, pour qu’une plateforme attire un grand nombre d’utilisateur, elle doit pouvoir proposer un niveau de service élevé et de qualité auquel les agents peuvent avoir accès à moindre coût.
- Aussi, l’outil et la technologie ne faisant pas tout, le rôle d’une animation de qualité est-elle indispensable pour susciter le partage car il est plus facile d’être un « utilisateur – consommateur » de contenu qu’un « utilisateur – producteur ».
- Enfin, la moyenne d’âge élevée des agents publics en France et dans certains pays comme aux Etats-Unis et le manque d’accompagnement et d’acculturation au numérique pour nombre d’entre eux ne les incite pas à ajouter un couche d’outils supplémentaire dans un contexte d’empilement d’outils métiers auxquels ils ont parfois déjà des difficultés à s’adapter.
Ainsi serait-ce donc à l’Etat de coordonner lui-même la collaboration entre les acteurs publics avec pour objectif la stimulation de l’innovation et la capitalisation des savoirs publics ? La question peut être posée mais cela va à l’encontre de l’ADN de l’économie collaborative qui est censée être issue d’une logique Bottom -Up.
Ainsi il va falloir être patient pour voir émerger la « main invisible » qui permettra à l’une de ces plateformes de devenir le « Facebook des administrations » de demain.
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