Alors que règnent les solutions SaaS clefs en main, BNP Paribas CIB développe un RSE détonant dédié à l’innovation. Il intègre un processus de gestion de l’innovation, le pseudonymat et une monnaie virtuelle. Les résultats obtenus confortent Jérôme Dubois le porteur du projet, de l’intérêt de cette approche iconoclaste. En 1 an : 11000 collaborateurs inscrits (45% des employés), 700 idées traitées, une dizaine sont remontées en Comité d’innovation pour une mise en œuvre. Voila, un innovateur qui innove au service de l’innovation de son entreprise.
L’objectif de Jump est de drainer l’innovation disséminée dans l’entreprise. Chaque collaborateur peut classiquement y déposer ses idées. La particularité réside dans la manière dont les freins sont abaissés et les incitations à faire fructifier ses idées. Jérôme Dubois martèle ainsi dans l’entreprise que “Jump est la meilleure chose qui puisse arriver à une idée”.
La plateforme est accessible à tous les collaborateurs CIB. A la première connexion, ils déclarent leurs compétences et leurs centres d’intérêt, ce qui permettra par la suite au système de sélectionner pour chaque idée déposée 50 experts. Un collaborateur est en moyenne sélectionné une fois tous les deux mois. Les experts sélectionnés ont 10 jours pour challenger la proposition et discuter avec le porteur. C’est ce dernier qui décide de poursuivre ou non. Ce fonctionnement atténue la frustration et permet au porteur, dans le pire des cas, d’entendre les arguments de ses pairs et enterrer lui même son idée.
Les experts acquièrent des points en fonction de leur participation. Ces points aujourd’hui sont transformés en J$ (Jump dollar) à investir sur les idées, une manière pour l’expert de témoigner de son adhésion.
Autre particularité notable, le pseudonymat est la norme. A l’inscription, innovateurs et experts choisissent un pseudonyme et, afficher son identité réelle n’est qu’une option. Jérôme Dubois explique le choix de l’anonymat dans le contexte de Jump par plusieurs avantages :
- Il oblige les experts à argumenter leurs remarques (ils ne peuvent pas s’appuyer sur leur réputation).
- Il favorise les discussions critiques qui permettent de challenger et renforcer les projets d’innovation
- Grâce à l’absence de risque et d’enjeu personnel, les commentaires sont nombreux, sincères, sans concession et mieux acceptés par les innovateurs.
C’est également une manière d’abaisser le niveau de risque pour les innovateurs qui s’exposent au regard de leurs collègues sans maîtriser la manière dont sera reçu leur idée.
Le contexte de la création de Jump a contribué à fédérer les équipes autour du challenge. L’équipe de Jérôme Dubois s’occupait de l’informatique de Fortis dont les applications ont été remplacées par celles de BNP Paribas. L’entité devait se remettre en cause et trouver d’autres moyens de créer de la valeur, de se différencier au sein d’un groupe disposant à foison de compétences similaires. Les situations de crise sont génératrices d’innovation de rupture pour ceux qui savent en tirer partie.
Jérôme Dubois a du adopter une démarche agile et, par itérations successives, construire et ajuster sa plateforme pour coller à son scénario d’usage. Une démarche de Quick wins qui devrait permettre la poursuite du développement de Jump.
Ce retour d’expérience est intéressant à plusieurs titres :
1. Le choix de l’anonymat. Doit-on remettre en cause ce principe pilier du 2.0 ? Je ne pense pas :
Tout d’abord, il y a une identité, même si elle distincte de l’identité réelle, le lien existe et l’anonymat n’est que de façade. Ensuite ce choix judicieux dans ce contexte devient un frein si on s’en écarte.
2. Une grande réussite dans le Design du processus de l’innovation : une structure permettant d’assurer une création de valeur et un fonctionnement reposant sur l’engagement des collaborateurs libres de participer à un projet dont la valeur collective est partagée par tous. Des bénéfices individuels directs pour ceux qui s’investissent et une prime à la réussite.
3. Une forte implication du porteur de projet qui a du fédérer une équipe pour concrétiser la plateforme, puis canaliser le bouillonnement d’idées au sein de l’entreprise.