En France, l’émergence de plateformes collaboratives inter-administrations est le plus souvent le fruit d’une forme d’extension numérique d’échanges et de sociabilités préexistantes dans divers réseaux associatifs, associations d’élus ou de corporations. Il existe également des initiatives portées par des regroupements d’acteurs (public/privé) voir des structures entièrement privées proposant des services à travers des modèles économiques type Freemium.
Gaston et Département en réseaux : des réseaux sociaux portés par des associations d’élus.
Nous vous proposons d’initier ce panorama avec l’exemple du réseau social Gaston. Il s’agit d’un projet collaboratif promu par l’Association des Régions de France (ARF). Nommé ainsi en hommage à Gaston Deferre, père administratif des régions françaises, il est présenté comme « un véritable réseau social qui permet d’accroitre et d’améliorer la circulation de l’information entre les Régions. » Cette plateforme a donc la particularité d’être généraliste et dédiée aux agents d’un type unique de collectivité. Si l’on se concentre sur les services proposés, on y retrouve de grandes fonctionnalités elles – aussi généralistes : groupe de travail thématique, partage de contenus, création de documents collaboratifs, etc.
De son côté, l’Assemblée des Départements de France (ADF) est à l’initiative d’une plateforme intitulée Départements-en-réseaux. Elle propose également des groupes de travail thématiques, le partage de pratiques, la mutualisation de connaissances, un wiki, un forum, un annuaire et la possibilité d’un partage de fichiers.
Pour ces deux plateformes d’échanges, nous ne sommes malheureusement pas en mesure de vous donner des chiffres sur l’engagement, le volume d’échanges et l’adhésion qu’elles suscitent de la part des agents régionaux ou départementaux. Leur existence est néanmoins très positive et symbolique d’une tendance collaborative de fond portée par des associations de collectivités locales.
Viaeduc : le réseau social professionnel des enseignants
Nous poursuivons notre panorama avec un deuxième projet d’intérêt : le réseau social Viaeduc. Il s’agit d’une initiative récente et unique portée par un Groupement d’Intérêt Public regroupant des acteurs très divers comme le Réseau Canopé, l’Université de Poitiers, le CNED mais aussi des sociétés privées (Belin, Les Argonautes, Leancurve).
Dans un contexte où les enseignants pratiquent un métier pour lequel ils peuvent facilement se sentir seuls, dispersés sur les territoires, devant faire face à des classes hétérogènes et des programmes qui changent souvent, ce réseau social pourrait venir combler un vrai besoin. Lancée au premier semestre 2015, la plateforme compte déjà 8891 enseignants inscrits, 1453 groupes de travail et plus de 6000 ressources indexées. Ses fonctionnalités permettent de procéder à une veille personnalisée et partageable, d’engager un travail collaboratif et de créer des communautés de pratiques. Elle est censée faciliter le réseautage, la formation et la co-formation à distance (social learning). Au même titre que pour le métier d’enseignant, la dimension « ressources » semble être la clé de voute de cette plateforme puisqu’elle permet de partager et de co-construire des ressources pédagogiques réutilisables ensuite par tous les utilisateurs. Un peu de patience et de maturité nous permettront donc de juger du succès de cette démarche qui nous parait prometteuse.
Les Communautés Professionnelles d’IDEAL Connaissances* et les club thématiques de La Gazette : deux initiatives portées par le Secteur Privé
Au-delà de ces initiatives associatives ou émanant de regroupement d’acteurs, des entreprises privées ont également développé des services de collaboration à destination des acteurs de l’action publique.
Initiative notable mais jouissant d’une visibilité assez limitée dans le monde public, les Communautés Professionnelles d’IDEAL Connaissances méritent également d’être évoquées. Ancienne association devenue société anonyme en 2008, IDEAL Connaissances se présente comme un organisme « Médiateur des pratiques existantes et émergentes, […] ayant pour vocation d’accompagner l’échange de savoir-faire des collectivités territoriales et de leurs prestataires sur tous leurs domaines de compétences». La particularité de cette structure réside dans le fait d’avoir pu développer près de 40 communautés professionnelles thématiques qui fonctionnent chacune comme un réseau social à part entière. Ces communautés mêlent rencontres physiques, formations à distance et plateforme collaborative. Elles reposent sur une équipe d’animation conséquente ainsi que sur l’implication d’agents des collectivités locales qui co-construisent les programmes de conférences et orientent les thématiques échangées sur les plateformes. Concernant le périmètre de fonctionnalités de la plateforme, l’entreprise propose au-delà d’un forum d’échange agrémenté de quelques fonctionnalités sociales basiques, un espace formation qui est une banque de vidéos des conférences et formations organisées par la société. Ces conférences peuvent d’ailleurs être suivies en direct via cette plateforme. Concernant le modèle économique de cette société, il repose sur la souscription d’abonnements annuels de la part des collectivités permettant à l’ensemble de leurs agents d’avoir accès aux services de collaboration et formation proposés.
*En toute transparence et dans un but d’objectivité, il est à noter que l’auteur de cet article est un ancien collaborateur de la société IDEAL Connaissances.
De son côté, le titre de presse et de contenus dédiés aux Collectivités territoriales, La Gazette des communes a développé 6 clubs professionnels thématiques (Club Informatique, Club RH, Club Technique, Club Finance et Club Prévention – Sécurité). Ces clubs thématiques proposent divers services comme des articles et dossiers d’actualité, des textes officiels, des rencontres entre professionnels, des offres d’emploi et d’autres services très spécialisés. La dimension collaborative est relativement faible puisqu’elle existe uniquement autour d’un forum d’échange thématique ne disposant de quasi-aucune fonctionnalité sociale ou collaborative. Ces clubs professionnels sont avant tout des plateformes de diffusion de contenus professionnels experts. Enfin, le modèle économique du Club repose sur un modèle Freemium assez classique avec différents types d’abonnement permettant de disposer d’un accès graduel aux différents contenus et services proposés.
Au-delà de ces plateformes, il existe une multitude d’initiatives collaboratives thématiques (numérique, tourisme, juridique, traitement des déchets…) portées principalement par des associations de professionnels de ces secteurs très spécialisés…
Si ce foisonnement d’initiatives hétérogènes est positif et dans l’ère du temps, nous pouvons quand même nous demander s’il ne nuit pas à l’émergence d’une plateforme conséquente et efficace. Car aujourd’hui, nombreux sont les réseaux qui peinent à mobiliser une masse critique d’utilisateurs à même de co-produire en masse des flux de documents, d’échanges et de formations dont l’écosystème public ne pourraient plus se passer dans l’exercice de ses fonctions. Ainsi, comment atteindre cette masse critique ? Avec quelle gouvernance et quel modèle économique ?