Au sein même de l’entreprise plusieurs canaux de communication numériques s’entrechoquent : l’email, les flux (microbloging) et les conversations (forums améliorés). La gestion des emails devient de plus en plus intenable. D’autres formes de communication sont émergentes et possèdent de véritables atouts dans l’univers professionnel. En y regardant de près, elles ne sont pas concurrentes ; elles se chevauchent, certes, mais offrent une vraie complémentarité. Faut-il encore que l’ensemble des émetteurs/récepteurs s’accordent sur leurs usages…L’email, lui, souffrent d’un véritable problème d’engorgement qu’il faudra résoudre.
L’email reste le moyen de communication numérique le plus largement utilisé, néanmoins en dehors de l’entreprise, Comscore a pu observer une baisse importante de l’usage des webmails par les jeunes, eux même à 70% présents sur les réseaux sociaux, indiquant qu’ils communiquent désormais au sein de ces réseaux sociaux au sein d’espaces conversationnels ou par microbloging.
Qu’apportent les flux et les conversations par rapport à l’email ?
- Les messages (email ou DM*) sont une forme numérisée du courrier papier. Leur gestion est dans une logique de stocks : les messages ont un état lu/non lu ; on se doit de les traiter un à un, si ce n’est pour les supprimer. On parle de “boite” et de leur capacité de stockage. L’information est organisée par ordre chronologique, mettant en avant son auteur. Les messages reprennent le fil de discussion, l’information est ainsi dupliquée x fois et suivant des conventions différentes d’un utilisateur à un autre. L’information reste privative. Relayer un message à des tiers est, pour cette raison, parfois mal vécue. Les messages attirent notre attention et devrait être associés à une intention claire et explicite : pour info, pour avis, pour action, pour décision. Mais il est intrusif et a un cout de traitement.
- Les conversations sont accessibles au delà des protagonistes ; elles sont publiques (ou semi-publique). L’information n’est plus possédée par quelques uns. Les messages ne sont pas structurés ou enrichis de méta-données (même si l’ensemble de la conversation peut, elle, l’être). Les informations sont lues et organisées suivant le fil de discussion. On s’inscrit dans une logique de “contribution” à une réflexion collective, qui persistera dans le temps.
- Les flux, qu’il s’agisse de microbloging ou de RSS ne sont même plus archivés. Les plus récents chassent les anciens. ils sont principalement entièrement publics. Ils ne sont, non plus, pas structurés et ne sont même pas organisé suivant un fil de discussion. En revanche, les statuts peuvent être relayés (c.a.d. republiés, augmentant ainsi leur visibilité). L’information postée est optionnelle non dirigée vers un destinataire particulier et s’adresse à des personnes à l’écoute de ce qu’il se dit sur une franche de temps réduite.
De fait, les usages de ces canaux se chevauchent, ce qui n’est pas sans créer des confusions dans les pratiques : Les messages (mails) reprennent les messages dont ils sont la réponse et affichent l’historique de l’échange, les lecteurs de flux (microbloging) offrent des possibilités de message directs à dépiler tandis que les conversations notifient par des mails les nouveaux sujets.
Nous sommes au milieu du gué parce que nous n’utilisons pas encore collectivement à bon escient ces canaux.
Informer un millier de personnes de la publication de ce billet est intrusif. Désolé… (Au passage, j’en profite pour vous annoncer que bientôt vous pourrez configurer un flux dans Seesmic pour suivre les conversations de la Communauté). Poursuivre une discussion après une réunion par mail avec les participants est une occasion ratée de capitaliser une réflexion et de créer l’opportunité de voir s’impliquer d’autres personnes non présentes initialement. Partager sa veille par la publication de statuts réguliers bénéficie d’une audience limitée à quelques précurseurs.
Nous sommes aujourd’hui dans une phase de transition. Nous recevons tellement de mails que nous ne les lisons plus tous, sans pour autant avoir collectivement convenu de délester une partie des messages sur des canaux de flux. Nous continuons également à transmettre des pièces jointes et plus globalement à collaborer avec l’email alors qu’on reconnait perdre et mal partager de l’information. Les entreprises auraient tout intérêt à accompagner l’évolution vers l’adoption de ces différents canaux de communication et définir des conventions d’usages. Une convention qui pourrait démarrer sur la base suivante : Envoyer un message pour attirer l’attention, Converser pour collaborer et Tweeter pour éclairer.Ces nouvelles formes de communication ne sont pas plus indispensables aujourd’hui que ne l’était l’email au début. Néanmoins on touche déjà du doigt les premiers bénéfices et, la transition passée, d’autres seront à découvrir : La multiplicité de ces micro-messages d’activité est comme l’écho d’un radar, ils nous permettent de connaitre notre environnement dans un contexte d’évolution rapide ou la réactivité est essentielle. Les rebonds ne sont que des mécanismes de mise en relief et de persistance dans un flux éphémère. Ils nous permettent également de délester l’email d’un flot d’information qui ne nécessite pas de traitement de notre part. Ne vont rester dans une logique de stock uniquement les messages directs inter-personnels. Non seulement, nous sommes amenés à partager de l’information formelle, mais aussi notre propre activité.
Cette situation pose de vraies difficultés aux plateformes sociales, qui destinées à produire des flux et gérer des conversations, se retrouvent contraintes par les demandes utilisateurs à générer des emails, contre-productifs pour le coup. Un véritable dilemme d’ailleurs, et probablement un de leur principaux challenge à venir sera de réussir à établir le pont entre les 2 rives : entre nos vieilles habitudes et celles d’avenir.
L’email restera central pour une question d’attention s’il est dé-saturé. Il faudra pour cela, au delà des comportements, trouver une solution aux “notifications”, nécessaires mais intrusives. Et comme, elles sont automatiques, elles ne distinguent pas l’information à envoyer de celle inutile pour son destinataire. Heureusement, de plus en plus d’applications proposent de configurer les notifications, mais cela n’est pas suffisant. Des configurateurs de règles plus subtiles, voire apprenant seraient nécessaires.
La subsistance du mail passe par une évolution de sa gestion
Ce constat n’est ni nouveau, ni local. Il est universel et chacun se trouve ses petites solutions. A l’instar de Hilary Mason (chercheur chez Bitly) qui a développé un E-Mail Classifier. A contrario, le service Nudgemail.com qui consiste à lui transférer les mails que l’on reçoit afin d’être relancé ultérieurement, ne va pas dans le bon sens de mon point de vue, puisqu’il contribue à enfoncer le collaborateur en lui créant une pile de tache persistante. Il serait tolérable, si les alertes étaient en mesure de suivre la règle “quand j’aurai le temps…”.
Et si le système de Google (Priority Inbox) et de Facebook visant à prioriser les messages en fonction de notre proximité sociale (notamment le fait d’échanger avec quelqu’un) étaient la solution pour dé-saturer le canal “email” ? Cela re-mettrait au premier plan les fonctions de (social-) networking, notamment les mécanismes de mise en relation demandant l’accord des contacts intermédiaires (comme sur Viadeo ou Linkedin. De plus en plus, un message ne touchera sa cible qu’une fois que l’auteur aura montré “pâte blanche”. Mais c’est déjà implicitement le cas. L’email, extérieur pour l’instant a l’univers des RS, va progressivement s’y trouver immergé. Si les utilisateurs n’abandonnent pas l’email au profit des RS, ce sont les RS qui s’inviteront dans l’univers de l’email.
Même si l’email restera probablement encore pendant longtemps le canal de communication principal, son mode de traitement actuel atteint ses limites au profit de nouvelles formes à inventer. En attendant pour les inconditionnels de Outlook vous pouvez essayer Xobni (www.xnobi.com), un plugin qui apporte une nouvelle lisibilité dans vos messages. Je ne connais pas le coût en productivité de la gestion inefficace de nos messages, mais dans un univers ou nous tendons à être de plus en plus connectés et à interagir avec notre environnement, l’enjeu est important.
Ces nouvelles formes de conversation modifient le rapport des uns avec les autres et font nécessiter un apprentissage de nouveaux codes sociaux. Comme l’email et le mobile à leur arrivée. Elles vont également générer une masse nouvelle d’information, tout comme l’Internet a fait exploser les flux échangés. L’enjeu pour les organisations sera de dompter ces conversations pour en tirer profit, au risque d’en perdre.
*DM : Le Direct Message est une fonction de messagerie privée sur les plateformes de microbloging.
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